La description du personnage

La description du personnage

Comment décrire son personnage dans un récit à la première personne du singulier ?

C’est une question que se posent les jeunes auteur.ice. s (et les moins novices aussi) et qui, souvent, trouvent une réponse facile : la fameuse scène du miroir ! Sous un prétexte quelconque, le personnage va s’observer dans un miroir (ou le reflet dans la vitrine d’une boutique) et là, tadam ! les lecteur.ice. s vont avoir droit à une belle description détaillée de pied en cap du héros/de l’héroïne.

Sauf que les lecteur.ice. s, en majorité, y détectent un manque patent d’originalité et les éditeurs abhorrent le procédé.

La VRAIE question n’est pas : « Comment décrire mon personnage ? », mais « Est-il pertinent que je décrive l’apparence physique de mon personnage ? ».

Et très souvent, la réponse est : NON.

Il est important d’éviter de tomber dans le syndrome de la fierté parentale qui consiste, pour l’auteur.ice. à vouloir SE faire plaisir en montrant tous les petits détails qu’il a imaginés pour son personnage-progéniture. C’est comme un jeune parent qui montre son jeune enfant et s’exclame aux visiteurs « Avez-vous vu comme il a un beau sourire, comme ses cheveux sont brillants, comme ses yeux sont intelligents, comme son menton est volontaire, comme ses mains sont toutes mignonnes, des futures mains d’artiste, ça, etc., etc., etc. ? » En quoi est-ce que TOUS ces détails sont utiles pour l’intrigue, le récit ?

Une description physique (et encore moins intellectuelle ou morale) détaillée apporte rarement des informations utiles pour les lecteur.ice. s ; au contraire, elle peut les priver d’une part de leur propre pouvoir d’imagination. Un pouvoir auquel ils. elles tiennent beaucoup !

Et quand on sait combien il est délicat d’écrire une autodescription, il est indispensable de se demander : quels éléments du physique de mon personnage doivent être montrés, et pourquoi ? Ensuite, la question suivante est : comment présenter cette information de manière astucieuse ?

 

Exemples typiques de maladresses :

« Gênée par le vent, je tentai en vain de rapatrier les longues mèches de mes cheveux blonds aux reflets cendrés en les coinçant derrière mes oreilles menues percées de boucles en forme d’étoiles, puis je descendis vers le quai rejoindre mes frères. » => Toute la partie de « tentai » à « d’étoiles » est inutile et donne une sensation pas du tout naturelle.

 « Je reçois un texto : il sera là dans deux minutes. Vite, j’extirpe mon miroir de poche et vérifie mon look : j'ajuste mes barrettes rigolotes dans mes cheveux bruns coupés au carré, mes oreilles ont des lobes larges qui me permettent d’aligner trois petites boucles d'oreilles ; j’ai mis un rouge profond sur mes lèvres peu épaisses et du crayon khôl autour de mes yeux noisette.  »

Dans ces deux cas, et dans le contexte général du récit, connaître tous ces détails n’est d’aucune utilité, ni pour construire le personnage ni pour nourrir l’intrigue.

 

Exemples d’intégration d’éléments physiques plus intéressante :

Si je reprends le dernier exemple, et que je le réécris ainsi, il y a du mieux car alors la description physique nous fournit aussi des indications sur la personnalité de la narratrice : 

« Je reçois un texto : il sera là dans deux minutes. Vite, j’extirpe mon miroir de poche et vérifie mon look : mes cheveux bruns coupés au carré avec une frange droite me donnent un air sévère que je contrecarre avec des barrettes arc-en-ciel glissées au-dessus de mes oreilles. Celles-ci ont des lobes larges qui me permettent d’y aligner une constellation de clous argentés. J’ai maquillé ma bouche, pas assez pulpeuse à mon goût, d’un rouge profond et j’ai mis autour de mes yeux noisette un trait de crayon khôl pour renforcer mon regard énigmatique. »

 

Dans sa nouvelle Bootleg, Stanley Péan raconte le rendez-vous galant (et plus si affinités) d’un homme avec la vendeuse très sexy du magasin de disques qu’il fréquente. Alors qu’il y a une scène de séduction, nous ne disposons tout du long que d’une seule information sur le physique du héros, et cela ne nuit aucunement au plaisir de la lecture et à la compréhension de l’intrigue, car en fait, le physique du héros n’a rien de pertinent dans cette histoire.

Voici le détail qui est glissé, et il l’est par le biais d’un dialogue. C’est Vicky, la vendeuse qui parle :

« – Je suis tellement petite, à côté de toi.

Je m’étais abstenu de lui répondre qu’à l’horizontale nous serions à la même hauteur, peut-être parce que bientôt nous étions étendus sur mon lit, à tenter de nous dévêtir l’un l’autre. »

=> La mention de cet aspect du physique du héros ne sert qu’à introduire l’action suivante.

 

Dans ma nouvelle Monsieur Iks, il y a trois petites indications sur le physique du héros, disséminées dans le récit.

Deux d’entre elles ont pour objectif de situer le fait que le héros est caucasien (et cela a une certaine pertinence), et la troisième permet de refléter un état mental, une posture psychologique. La voici : « Pour la première fois, je détaillai cette femme que je dépassais d’une tête, mais devant qui je me sentais bien moins grand. » (L’échappée, Nathy d’Eurveilher)

 

      Enfin, et cela vaut pour les récits à la première personne du singulier comme pour ceux avec un narrateur omniscient, rappelez-vous que l’héroïne de Twilight, Bella, n’est jamais décrite en détail et que tout ce que les lecteur.ice. s savent de son physique, c’est sa couleur de cheveux. Est-ce que cela a empêché la saga d’être un best-seller mondial ?

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