Le rythme d’un récit est influencé par plusieurs éléments qui pour certains relèvent du fond - et qui seront décidés par l’auteur.e dans son travail sur la structure, le schéma narratif -, et pour d’autres de la forme, donc du style.
Voici 3 conseils ciseler le rythme de votre texte en travaillant sur sa forme :
1) Varier la structure des phrases.
Il est question ici de jouer avec la syntaxe. Si vos phrases sont construites toujours de la m^me manière, avec les mêmes tournures, cela peut vite devenir lassant pour le lecteur - un « endormitoire » comme dit mon mari !
Ainsi, la tournure préférée d’une de mes clientes est la suivante : « Le long de la route, je regardai les mouettes survoler le récif et plonger sur un mets frétillant. » Rien d’incorrect ou de désagréable là-dedans … mais si tout un paragraphe (et que dire de tout un chapitre !) est rédigé avec des phrases qui suivent cette même structure, cela crée un effet de litanie, comme un mantra et le lecteur risque bien de décrocher. Dans tous les cas, vous aurez un rythme sans relief et cela nuira à l’intrigue.
Le long de la route, je regardai les mouettes survoler le récif et plonger sur un mets frétillant. Pour le déjeuner, je choisirai sûrement un plat de poisson grillé. Une dorade royale avec des poivrons rôtis. D’impatience, j’appuyais sur l’accélérateur. Au virage suivant, je dus freiner d’urgence pour éviter de percuter un troupeau de moutons. Secouée par l’émotion, je jurais à voix haute mais les bestiaux restèrent indifférents. Ils se fichaient bien que j’arrive en retard. Nonchalamment, ils finirent par dégager la chaussée et je repris ma route.
2) Mieux exploiter la ponctuation.
Il n’y a pas que le point et la virgule qui sont utiles et pertinents dans un récit ; le point-virgule et le tiret permettent d’apporter un souffle différent et de la nuance. Le point et la virgule peuvent aussi être travailler de dix façons sur un même texte : cela en modifiera le sens parfois, mais toujours cela en changera le rythme. Servez-vous-en pour varier la longueur de vos phrases, par exemple en créant une rupture dans un paragraphe pour mieux faire ressortir un élément avec une phrase très courte au milieu de phrases plus longues (ou inversement).
En route pour rejoindre Arthur au restaurant, je regarde les mouettes survoler le récif et plonger sur un mets frétillant. Tiens ! je mangerai bien un plat de poisson grillé, moi. Une dorade royale. Avec des poivrons rôtis. D’impatience, j’appuie sur l’accélérateur. Mais je dois freiner d’urgence au virage suivant pour éviter de percuter un troupeau de moutons. Secouée par l’émotion, je peste à voix haute ; les bestiaux restent indifférents. Ils se fichent bien que j’arrive en retard. Après d’interminables minutes, ils finissent par dégager la chaussée —avec une nonchalance exaspérante — et je reprends enfin la route. Arthur m’attend.
3) Lire à voix haute.
Pour vérifier si une succession de phrases courtes rend le rythme trop haché ou syncopé alors que ça ne sert pas la scène qui se joue, ou pour vérifier qu’une longue phrase ne vide pas tout l’oxygène dans les poumons du lecteur avant d’atteindre le point, lisez votre texte à voix haute. Vous verrez quand ça ne sonne pas (du tout) pareil que dans votre tête, identifierez rapidement ce qui cloche et là où il vous faut repenser votre ponctuation.
Rappelez-vous que la ponctuation contribue au sens et aux nuances de votre propos. La lecture à voix haute vous permet aussi de prendre du recul pour mieux jauger cet aspect.
Ce n’est pas pour rien qu’Émile Zola appelait son cabinet de travail « le beugloir » : il y déclamait son texte encore et encore pour vérifier chaque nuance de rythme et de ponctuation.
Je l'ai mentionné en introduction de cet article, il existe bien des techniques pour travailler sur le rythme d'un récit - de quelque nature qu'il soit. J'en aborde plusieurs très concrètement dans l'atelier Autopsie d'une nouvelle.